MotoGP : Rossi, la retraite d'une légende

Rossi, la retraite d’une légende

Lors d’une conférence de presse exceptionnelle, ce jeudi 5 août 2021, Valentino Rossi a annoncé sa retraite à la fin de la saison 2021, après 26 années en Grands Prix, au cours desquelles il a bâti sa légende…

 

« J’ai diverti beaucoup de gens les dimanches après-midi, c’est l’une des meilleures choses que j’ai faites dans ma vie, ce qui m’a procuré les plus grandes émotions ». Valentino Rossi s’est livré sur les raisons profondes de sa passion, quelques minutes après l’annonce de son retrait lors d’une conférence de presse « surprise » annoncée à la dernière minute dans un protocole MotoGP d’ordinaire très huilé. On se souvient encore avec émotion de la conférence de presse durant laquelle Jorge Lorenzo avait annoncé la fin de sa carrière dans une salle bondée en novembre 2019. On se souvient la surprise qui avait saisi les journalistes MotoGP lors du Grand Prix de France 2012 lorsque Casey Stoner avait déclaré vouloir mettre un terme à sa brillante carrière au plus haut niveau du sport moto à l’âge prématuré de 27 ans, alors qu’il portait encore le numéro 1 sur sa Honda. Les plus anciens se remémorent encore le GP d’Italie 1995 et l’émotion de Kevin Schwantz, qui annonçait qu’il renonçait à la passion de sa vie, rompu par les blessures et abattu par le grave accident survenu à Wayne Rainey l’année où lui-même décrochait son Graal.

 

La conférence de presse convoquée à 16h15 ce 5 août 2021 sur le circuit de Spielberg, en Autriche, restera à coup sûr dans les mémoires de la même manière et sans doute au-delà. Elle demeurera ce moment où le plus capé des pilotes de l’histoire des Grands Prix moto, le plus iconique et l’un des plus titrés, aura annoncé son retrait après 26 années ininterrompues de Grands Prix, de ses débuts en 1996, quand certains de ses adversaires d’aujourd’hui n’était même pas nés, jusqu’à la fin de cette année 2021.

 

Valentino Rossi, l’homme aux 115 victoires en Grands Prix, le pilote aux 9 titres mondiaux dans les catégories 125, 250, 500 et MotoGP, vient de tirer sa révérence après 423 départs en Grzands Prix. Il ne quittera pas les paddocks où il a baigné dès son plus jeune âge avec son pilote de père, Graziano, puisqu’il se retire au moment où il a l’assurance d’avoir un team MotoGP à lui dès 2022, avec des Ducati et son demi-frère Luca Marini parmi les pilotes à gérer. 

 

ValeYellow46, comme il aime à se nommer sur les réseaux sociaux, aura été au bout de lui-même, de ses capacités, pilotant les plus monstrueux prototypes au plus haut niveau du sport moto jusqu’à l’âge de 42 ans. Lui qui dès son arrivée en catégorie-reine a su rivaliser avec les meilleurs pour obtenir un titre mondial dès sa deuxième année en 500, avant d’enchaîner en MotoGP, a su encaisser ces dernières années une lente et inexorable érosion de ses résultats, au point de fêter une 10e position à l’arrivée du Grand Prix d’Italie cette année. Actuel 19e du championnat au moment d’entamer la deuxième partie de cette saison 2021 dominée par le pilote qui lui a pris sa place dans le team officiel Yamaha, Fabio Quartararo, Rossi ravale sa fierté de champion pour continuer d’enchainer les séances d’essais conclues en fond de classement, ce qui a fait dire à son meilleur ennemi Marc Marquez qu’il ne souhaite pas reproduire la même fin de carrière.

 

Pourtant Rossi continue à soulever le cœur des fans de moto. Les tribunes qui recommencent à se remplir sont toujours aussi jaunes, comme à Assen où Rossi a remporté la dernière de ses 89 victoires en catégorie-reine en 2017. Ce n’est pourtant pas sa rivalité avec Marquez, que Rossi continue à considérer comme l’homme qui l’a privé indûment de son 10e titre mondial en 2015, qui continue à motiver Valentino, mais bien une passion immodérée et authentique pour un sport qui lui correspond tellement qu’il a renoncé à une carrière sur quatre roues qui s’est présentée à lui au faîte de sa gloire, lorsque le patron de Ferrari Luca di Montezemolo était décidé à lui faire une place dans le baquet d’une de ses Formule 1 pour la saison 2006. Rossi n’aura pas suivi en cela la trajectoire des plus grands de ses glorieux aînés, Giacomo Agostini, Mike Hailwood et évidemment John Surtees (seul homme titré en 500 sur deux roues et en F1). Rossi est conscient de son statut d’icône de la moto, lui qui juste avant de prendre son 424e départ en Autriche, aura disputé plus de 43 % des Grands Prix qui se sont déroulés dans l’Histoire, depuis l’apparition de ce championnat en 1949.

 

C’est peu dire que Rossi a marqué l’histoire des Grands Prix, et pas seulement en termes de statistiques. Dès ses débuts, il s’est distingué avec des célébrations de victoires théâtrales et drôles, avec des rituels et des superstitions qu’il entretient encore ou avec des décos de casques fines et parfois pleines d’autodérision lors de « ses » courses nationales, au Mugello ou à Misano. 

 

Rossi a aussi marqué le monde des Grands Prix par des faits d’armes, qu’il s’agisse de sa relation « fusionnelle » avec sa Yamaha, de ses dépassements d’anthologie (sur Lorenzo en 2009 à Catalunya, sur Stoner à Laguna Seca, sur Gibernau à Jerez,…), de ses rivalités électriques aussi… Car Rossi n’est pas parvenu à ce niveau sans jouer des coudes, et sa trajectoire brillante s’est souvent faite en affrontant des rivaux qui à mesure des années se sont montrés de plus en plus coriaces. S’il était parvenu à ridiculiser Biaggi et Gibernau à ses débuts, d’autres lui ont donné davantage de fil à retordre au fil des années : Lorenzo dont Rossi a tout fait pour retarder l’ascension, Stoner qui lui a asséné un jour que « son ambition avait dépassé son talent » et enfin Marquez, avec l’explosion à Sepang lors du fameux clash resté dans les mémoires. Une cicatrice pas encore refermée, car sa défaite in extremis face à Lorenzo en 2015 a privé Rossi d’un 10e titre qui l’aurait porté encore plus haut dans l’histoire des Grands Prix. Mais Rossi a aussi entretenu d’excellentes relations avec certains de ses adversaires, même les plus proches comme ses coéquipiers Edwards ou Hayden, et plus récemment avec Vinales, qui lui a toujours témoigné son admiration. Quartararo, également fan de Vale depuis tout petit, a véritablement « adoubé » comme son successeur chez Yamaha. 

 

Le retrait de Rossi, annoncé au beau milieu de cette année 2021, intervient sur un  circuit autrichien où il a connu l’émotion de son premier podium en 1996, mais où il a connu la frayeur la plus importante de sa carrière, l’an passé, lorsqu’il a été frôlé par la moto pulvérisée de son pote Franco Morbidelli. Un drame évité de justesse, qui l’a sans doute fait réfléchir, pour aboutir à cette décision, dix ans après la disparition tragique de son ami Marco Simoncelli à la suite d’une collision dans laquelle était justement impliquée Rossi. L’idole a pourtant hésité, tenté par la proposition de son futur sponsor Aramco qui souhaitait voir Valentino piloter une année de plus avec leurs couleurs. « J’ai décidé de me retirer alors que j’avais la possibilité de continuer une année de plus auprès de mon frère dans ma propre équipe, mais les résultats ont guidé ma décision », a expliqué Rossi. « J’ai diverti beaucoup de personnes les dimanches après-midi, c’est l’une des meilleures choses que j’ai faites dans ma vie, ce qui m’a procuré les plus grandes émotions »